Vingt ans sur un chemin de libération et d’éveil

Il y a autant de chemins de libération et d’éveil qu’il y a d’êtres cheminant.

LA VUE

Selon nos croyances, notre entendement, notre clarté ou opacité d’esprit… nous créons un chemin(1) que d’autres n’envisagent pas. Tout est vrai, dans la mesure où c’est une réalité que certains vivent. En même temps, ce n’est qu’une possibilité à laquelle nous donnons vie avec nos intentions et nos choix. Il y a tant de possibilités. Certains ont dans le viseur les réalisations ou les accomplissements (siddhis), la puissance spirituelle, la béatitude, l’amour, la lumière, la supra-connaissance, la renaissance divine, la cessation des souffrances… Pour moi, mon viseur pointait vers le non-soi, la nature de bouddha.
Quand j’ai débuté l’écoute des enseignements bouddhistes, ce qui me touchait le plus était les notions de non agir, non-soi, sans intention. C’était à la fois abstrait et attirant. Cela me faisait envisager que les actions pouvaient être initiées d’elles-mêmes, sans passer par une volonté, qu’il y avait quelque chose d’agissant sans référence au soi et que le soi anesthésiait ce quelque chose.

LES QUATRE VOILES A LIBERER

Pour atteindre cet état, j’ai compris qu’une des voies était de libérer notre esprit de 4 voiles :
– le voile de l’ignorance, marigpa en tibétain, la non-connaissance. Nous avons accès à une très faible quantité d’informations et de phénomènes eu égard à l’immensité de la création. Il y a tant que nous ne savons pas, il y a tant de choses existantes auxquelles nous n’avons pas accès. Et pourtant nous raisonnons comme si nous avions accès à tout, nous associons 3 informations, faisons des déductions et hypothèses sur lesquelles nous basons notre représentation du monde, nous décidons de nos actions. Mais cela ne tient pas compte de ce que nous ne savons pas. C’est pourtant la seule réalité dans laquelle nous puissions être à ce moment là. Et cette réalité est vraie puisque nous la vivons et agissons à l’intérieur. En même temps elle est illusion, car elle n’est que le fruit de notre ignorance, de notre peu de connaissances. Dès que nous accédons à d’autres informations, d’autres phénomènes, nous changeons nos compréhensions, nos représentations, nos déductions, nos choix et, par là même, nous changeons de réalité.
– les voiles des émotions perturbatrices ou afflictions racines (kleshas) créant notre référentiel d’interprétation, de sensation, de cognition et par  extension notre dictionnaire intérieur. Voici une façon de présenter ces 6 kleshas. La première klesha est l’orgueil ou l’idée d’un soi séparé qu’il faut satisfaire. De ce soi séparé va se développer la deuxième klesha, la comparaison. L’ »idée de soi » observe ce qu’elle suppose extérieur à elle et se projette, veut s’y impliquer, le modeler à sa convenance. La jalousie va apparaitre quand le soi perçoit des choses qu’il voudrait. La troisième klesha est le désir-attachement. Le soi veut se satisfaire et va chercher à happer ce qui lui plait pour le faire sien, le ramener à lui : c’est le désir. Il va ensuite vouloir le garder : c’est l’attachement. Quand nous perdons ce que nous aimons, quand nous devons supporter ce que nous n’aimons pas, quand nous n’arrivons pas à obtenir ce que nous aimons, nous souffrons. En sommes nous sommes dépendant de ce que nous arrivons à  « pêcher » dans le vaste océan de la création. La quatrième klesha, transverse à toutes les autres, est l’ignorance. Comme mentionné ci-dessus, l’ignorance est ce que nous ne savons pas, ce que notre esprit est incapable de connaitre. Notre référentiel est limité, nos expériences aussi mais nous en faisons une vérité à laquelle nous adhérons et qui nous propulse vers notre devenir. La cinquième klesha est l’insatisfaction amenant l’avidité (j’en veux encore) et l’avarice (je dois garder) peut être vu comme l’expression du désir qui ne satisfait plus. Après avoir fait l’expérience du désir-attachement, le soi ne trouve plus de plaisir dans ce qu’il attire à lui. Il ne peut plus se contenter de ce qu’il capte, il veut autre chose, autrement, pas comme ça. De même, ce qu’il aime et considère comme essentiel à sa survie et à son devenir, il va vouloir le retenir sans limite. Enfin, la sixième klesha est la colère. Au-delà de l’insatisfaction, l’esprit interprète ce qui entre en contact avec lui (des paroles, des actes, des situations, des impossibilités, des obstacles…) comme une agression et une supposée malveillance à son égard. On me veut du mal, exprès. Alors l’esprit attaque pour ne pas être victime. Nous passons notre vie à naviguer d’une klesha à l’autre, sans repos, sans connaitre la paix, ni le contentement.
– les voiles des tendances karmiques nous entrainant à renaitre dans certaines conditions heureuses ou malheureuses et à réagir de manière stéréotypée. Ces tendances karmiques initient des mouvements dans notre esprit en réaction à des stimuli internes ou externes (captés par nos sens). Ces mouvements irrépressibles, plus ou moins intenses, nous poussent à agir, parler, penser sur la base de notre référentiel et selon le contenu de notre dictionnaire, tout deux créés par les kleshas. Ce référentiel et ce dictionnaire sont aussi mis à jour en permanence par nos actions, nos choix, nos intentions. En faisant toujours la même chose, nous renforçons un mouvement qui devient de plus en plus irrépressible. En changeant notre façon de penser, de parler et d’agir (ex : écoute au lieu de ne pas vouloir entendre ; patience au lieu d’impulsivité ; mots bienveillants au lieu de mots durs) nous atténuons jusqu’à effacer une tendance, un mouvement et une référence. Nous en créons de nouveaux également se renforçant par la force de l’habitude jusqu’à devenir des tendances habituelles (heureuses ou non). Kleshas et karmas s’influencent et s’interpénètrent.
– les voiles des tendances habituelles nous amenant à reproduire toujours les mêmes types de pensées, d’actions et de paroles sans présence, ni justesse, sans conscience de ce qui se joue réellement dans la situation, sans adaptation à la situation.

Voilà ce qui a fondé mon chemin de libération et d’éveil -> me libérer de tout cela car au-delà il y a déjà l’esprit pur, la nature de Bouddha. Alors j’ai consacré ces vingt dernières années à libérer.

LES MOYENS MIS EN OEUVRE

Je me suis posée dans mes pensées, mes émotions et ressentis, mes mouvements intérieurs, mes zones d’ombres. J’ai invité la sagesse à connaitre de quoi c’était fait, à remonter le fil des causes et conséquences pour trouver les racines. J’ai demandé la purification.
En même temps, j’ai cherché à modifier certains comportements et certaines croyances. J’ai utilisé divers outils de développement personnel pour cela.
J’ai écouté beaucoup d’enseignements bouddhistes, j’ai réfléchi, j’ai comparé, j’ai mis en pratique.
J’ai médité le calme mental bien que cela ait été bien difficile au début pour un esprit vif comme le mien.
J’ai pratiqué Vipassana, la visons pénétrante, en me posant dans mon ventre au début, pour en entrant à l’intérieur même des phénomènes.
J’ai aussi médité sur les Bouddhas, Vajrasattva, Guru Rinpoché, Tara principalement, pour réactiver les qualités innées de l’esprit comme la purification, la sagesse, la non peur, la persévérance, l’amour, le maitre intérieur…
Et puis je suis sortie de ma réalité (travail à Paris) à 43 ans pour entrer dans une toute autre réalité (indépendante à Bourges). Depuis dix ans, je consacre ma vie entière à la libération. Non pas avec obstination, mais avec persévérance, patience, confiance et même au-delà, avec foi. Rien, même pas les difficultés et obstacles inhérents à la vie en général (samsara diront les uns) et au travail indépendant ne m’ont fait renoncer à ce chemin de libération.
Et pourtant ça n’a pas été facile. Cela a été fascinant, apaisant, éveillant, libérateur mais certainement pas facile. Un défi immense a été celui de maintenir mon activité malgré les libérations successives. Parfois mes repères disparaissaient. Je me retrouvais en terrain inconnu tout en devant continuer mes activités. J’allais chercher des repères vers mes lecteurs, clients et stagiaires. J’en installais de nouveaux qui ne duraient qu’un temps. Et hop, il fallait une fois encore me réinventer. Les innombrables versions de mon site sont l’expression de ces changements successifs. J’ai adapté mes activités à mes réalisations intérieures, pour les adapter encore, puis encore. J’ai aussi changé plusieurs fois mes repères dans mes soins, mes formations et séances de thérapie, ce qui fonctionnait avant avait moins de sens et de raison d’être. Je devais apprendre et m’entrainer avec de nouvelles compétences, de nouveaux ressentis, de nouvelles compréhensions, une nouvelle ouverture. J’ai accepté que l’inconstance fasse partie du chemin, j’ai même appris sa nécessité et sa puissance. J’ai réalisé combien accepter l’impermanence était fondamental sur un chemin d’éveil. Ces incertitudes et pertes de repères, je les ai vécues aussi avec mon corps, me détachant de lui pour ne le percevoir que comme le véhicule transportant la conscience dans cette vie, tout cela semblant vain et conceptuel. Mes relations aussi on été influencées par ces repères fluctuants, parfois à chercher l’amitié, parfois à chercher la solitude. Ce fut également le cas dans mon rapport au monde et à la vie en société, parfois en voulant m’y impliquer et apporter ma contribution, parfois en privilégiant ma retraite méditative et mon chemin de libération solitaire. Il y a eu tant et tant de challenges qu’une encyclopédie n’y suffirait pas.
Alors j’ai avancé cahin-caha. La confiance, la conviction d’être sur le bon chemin, la vue des réalisations à venir, tout cela m’a donné l’assise et la ténacité pour poursuivre, pour ne pas céder face aux incertitudes. Et j’ai tenu, j’ai toujours fait face, j’ai toujours trouvé un moyen de poursuivre vertueusement. J’ai passé obstacle après obstacle.
J’ai petit à petit fait l’expérience du lâcher-prise et pas seulement sur ce qui me dérange, mais lâcher-prise de tout même de la renommée, de la beauté, de la minceur, de la jeunesse, de la réussite, de l’appartenance, de la sécurité, de la prévoyance, de la reconnaissance… J’ai fait l’expérience que lâcher-prise ne privait pas, mais donnait une liberté et un espace d’abondance avec une multitude de nouveaux possibles. Il y a d’ailleurs tellement de possibles que nous devons à chaque instant nous poser en un point pour ne pas nous éparpiller.

LES RESULTATS

Et les résultats sont là. J’ai petit à petit apaisé mon esprit, mes émotions, mes pensées, mes ressentis. Ce qui était confus, automatique, inconscient est devenu clair, sage, conscient. J’ai déjà écris sur ce que j’avais vécu, initié et réalisé durant ces dix dernières années, vous pouvez vous y reporter sur le site d’auteur. Ce dont je n’ai pas encore parlé, c’est quand l’esprit ne prend plus rien pour personnel. Cela advient quand les karmas et kleshas sont déjà bien épuisés. Quoi qu’il arrive, l’esprit ne s’identifie pas. Quoi qu’il entende, il ne le prend pas pour lui. Quoi qu’il vive, il l’accepte. Plus encore, à l’extinction des kleshas, c’est le référentiel qui disparait. L’esprit n’interprète plus, c’est le silence. C’est ainsi. C’est.
Encore au-delà, la nature de l’esprit se fait jour, les enseignements plus profonds deviennent compréhensibles, voir réalisés, comme ceux de faire un avec la divinité. Vous êtes à la fois l’énergie pure qui sous-tend tout et l’être incarné pris dans le monde. Mais le monde n’est plus un obstacle car il n’y a plus de soi pour être insatisfait. Une grande humilité advient. Ce que nous n’aurions pas accepté avant, nous le faisons tout simplement, sans pensée. Si c’est ainsi, alors oui.

ET AUJOURD’HUI ?

Ces derniers mois ont été propices à me retirer encore plus du monde, à moins me montrer. J’avais besoin de ne plus être soumise à l’existence de Christelle. Ce qu’il en restait du moins, un nom et une image sur les réseaux sociaux. Cela m’obligeait encore à m’y soumettre, à devoir en « subir les conséquences ». Une transition s’est opérée depuis. Des karmas et kleshas composant les bases les plus tenaces de Christelle ont été libérés, d’où l’absence d’identification depuis et l’émergence d’une base pure, aimante, sans pensée, sans attente. Le corps a été purifié de mémoires karmiques imperceptibles jusque là, dont les mémoires d’intouchabilité (caste des intouchables) alimentant mon référentiel « le monde ne veut pas de moi », « on va dire que je fais mal ». Désormais libérées, le monde n’est plus source d’exclusion, de « tu n’es pas comme il faut pour ce monde ». De là est né un grand calme intérieur., et surtout un calme mental. Le coeur est devenu mon centre naturel. Il me rappelle à lui alors qu’avant la tête prédominait(2), la conscience venant systématiquement y reprendre place. Le plus signifiant aujourd’hui, c’est l’humilité, l’absence de préjugés, le calme face à la vie, l’absence de pensée, une vue beaucoup plus grande également, beaucoup plus clair.
Je ne sors pas de ma retraite, il n’est pas encore temps pour moi de revenir pleinement vers vous. Un cap est passé, dont je garde quelques secrets car il faut le vivre pour comprendre. Vous le découvrirez sur votre propre chemin, en son temps. Cet article n’est qu’un intermède pour passer d’un état à un autre. Pour clore un chapitre. Je sais que tout est encore instable. Mes réalisations sont indicibles et demandent à pratiquer longuement pour les installer pleinement. Alors à plus tard, un jour.

Christelle Hauteville-Chadorla / Trinley Drolma

 


(1)ou suivons un chemin tracé par d’autres pour les moins indépendants d’entre nous, parfois même en groupe
(2)c’est ainsi pour les personnes au mental fort

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Christelle Hauteville Chadorla

L’alliance de 2 belles cultures, française et bhoutanaise, unissant raison, spiritualité et sagesses bouddhistes, pour plus de lucidité et de conscience.

Egalement :
– Thérapeute, coache et formatrice en Libération émotionnelle, mentale et karmqiue, Enseignante en psychologie, philosophie et méditations bouddhistes à « Harmonie & Croissance intérieure » (site harmoniecroissance.com)
– Fondatrice, gérante, guide de méditation et soutien linguistique pour les enseignements philosophiques au centre culturel bouddhiste (site chadorla.fr)

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