On m’a dit, à 6 ans, dès ma première année à l’école « Tu déranges la classe, va t’asseoir toute seule au fond ».
Je gênais parce que j’avais fini l’exercice avant les autres et que je m’ennuyais.
Je gênais.
Comment peut-on gêner alors que l’on a fait ce qui était requis ?
Je n’ai pas compris. Je ne comprend toujours pas.
Aujourd’hui, à 52 ans, il est temps pour moi de me libérer de toute une trame d’expression développée pour ne pas gêner, pour être acceptée par ceux fonctionnant différemment de moi.
Cela vous parle ? Avez-vous vécu les mêmes mises à l’écart, les mêmes incompréhensions, les mêmes rejets ? Avez-vous été celui ou celle qui ne fait pas comme les autres, qui n’est pas comme les autres, qui ne sait pas pourquoi et surtout en quoi c’est gênant ?
Gêner parce ce que vous êtes tout simplement vous.
Gêner sans jamais rien faire de mal.
Gêner sans savoir en quoi ce que vous faites est gênant.
Et développer toute une trame comportementale pour ne pas gêner, pour être approuvée.
Faire comme les autres, sans savoir comment ils font et surtout pourquoi ils le font.
Mimer, singer, jouer un rôle principal fantomatique et censuré.
Avancer à couvert pour ne pas être démasquée.
Nous adapter, nous sur-adapter et finir par nous perdre.
Ne plus rien comprendre jusqu’à la colère, jusqu’à la démission.
Tenter des avancées plus personnelles et gêner encore alors vivre cachée, dans sa bulle, derrière un masque ou en ermite.
Et recommencer, autrement, nous reconstruire ou plutôt nous construire pour la première fois, la première vraie fois.
Nous éduquer nous-même en tenant compte de notre nature.
Soigner l’enfant, l’adolescent, l’adulte, l’exclus, le rejeté, le discriminé, l’incompris, l’inadapté.
Nous donner de l’écoute, de l’amour, de la tolérance.
Nous accepter dans nos différences, dans nos unicités.
Pour enfin pouvoir laisser partir et être sans référence ni pour, ni contre.
Voir la gêne, nos réponses frustrantes et effaçantes, les formaliser pour les lâcher.
Cesser de nous gommer.
Redessiner nos contours, nos détails, notre expression.
Une fois le détachement opéré, notre nature sera enfin libre.
Je suis aux portes de la liberté.
Je vous offre juste ce qui vit en moi.
Je vous laisse votre gêne.
J’avais 6 ans, je voulais ne pas vous gêner.
J’ai 52 ans, je m’autorise à ne plus en dépendre.
Christelle Hauteville-Chadorla