Cela fait des années que je cherche à pallier le déclin que je vis actuellement. Je le savais inévitable. Je l’invitais même de tous mes voeux. Je vis aujourd’hui ce déclin d’un être qui n’est déjà plus là mais qui a laissé derrière lui des vestiges, des artéfacts. Une partie de moi, prise dans la peur et le contrôle, s’accroche à ces artéfacts, comme un homme à la mer à sa bouée. Pourtant je sais que je pourrais, là, maintenant, me poser sur le courant et me laisser porter vers d’autres rives. Accepter de ne pas avoir le contrôle et d’être dépassée, accepter de ne pas savoir ce qui adviendra, tout en l’envisageant avec joie. J’ai volontairement orienté mes pas pour arriver là. Et arrivée là, je ne sais plus. C’est vertigineux. Ce qui en moi savait quoi faire pour y arriver, ne sait plus quoi faire une fois que c’est là. Les repères ne sont pas les mêmes. Il faut encore plus de vulnérabilité pour laisser la vie entrer en abondance. Saurai-je être encore plus vulnérable, plus subtile et sans attache ?
Je suis déjà autre. Et cet autre a débarqué sur un terrain archéologique. Est-ce que je veux vivre au milieu de ruines ou construire une nouvelle cité, un nouveau mandala ? Cette nouvelle force qui s’est installée en moi mi octobre (lire l’article dédiée Gratitude et hommages) se construit pour vivre à sa façon. Elle a besoin de temps. Et c’est ce qui me surprend le plus. Je pensais que ce nouveau changerait tout, instantanément. Mais il ne le fait pas. Il s’installe à son rythme, il m’apprend un nouveau rythme à l’encontre de ma vitesse habituelle. Je dois m’habituer au temps juste, à l’enchainement des étapes les unes après les autres, sans forcer le pas, sans chercher à aller plus vite. Le vite me ralentit en fait.
Et la vie ordinaire me rappelle à chaque instant la nécessité de m’occuper d’elle. C’est ainsi. Alors je m’efforce d’assurer pour qu’elle ne devienne pas un obstacle au reste. Le reste, c’est tout ce qui est nouveau, clair, lumineux, stable, calme, sachant, omniprésent. Un pur espace qui peut tout créer. Mais que va-t’il créer là, ici ? Je n’ai pas accès à cette information. Alors j’accueille et j’accompagne. Je dois faire avec le fait que ce n’est plus moi qui décide, que le décisionnaire est lui-même devenu ruine.
Dans ce nouveau monde qui se construit étape par étape, jour après jour, la lumière, l’amour, la joie grandissent. Et je me dis et je m’écris « Fais du temps un allier. Plusieurs mois si besoin, et même plus, ou peut-être moins. Qu’as-tu à faire de mieux ? Courir, forcer, précipiter ? Obtenir les fruits sans vivre le bourgeonnement, sans prendre le temps du murissement est impossible. Prends le temps de devenir. Et dans ce temps, familiarise toi avec ce que tu sens grandir en toi, la joie sans objet, la paix sans cause et l’amour sans limite. Laisse toi envelopper de cet amour, de cette paix et de cette joie. Et deviens enveloppante. »
Et je m’efforce d’ajouter à chaque instant une pincée de merveilleux, une cuillère de grâce, 200g de confiance, 300g de gratitude, 3 morceaux de sagesses et l’ingrédient magique : l’attention à ce qui est.
Belle journée à tous, en ce jour de la Toussaint.
Christelle Hauteville-Chadorla
Photo de Matthieu Ricard àJango Thang, sur le Glacier du Jomolhari au Bhoutan