Nous sommes vendredi soir, le 10 juin 2022, il est bientôt 21h. J’ai demandé à Khenpola de me raconter son histoire. Il met toujours l’accent sur la chance qu’il a eu et la gratitude qu’il en ressent et aussi sur ce dont il est le plus fier dans sa vie : n’avoir jamais dit du mal de quelqu’un, n’avoir pas volé, pas menti, pas triché, pas semé la discorde, pas cherché la gloire, n’être pas passé devant les autres… Au fond, Khenpola et moi nous ressemblons sur une chose qui nous a rapproché et certainement que nous avons reconnu l’un en l’autre : nous mettons toujours l’accent sur les vertus. Ne pas être parfaits, ne pas chercher la réussite sociale, mais être vertueux. Et si nous sommes fiers, ce n’est que d’une chose : des vertus que nous avons réussi à maintenir ou entretenir, parfois au détriment de la réussite sociale justement, parfois en nous comportant bizarrement selon certains codes et usages, parfois en nous retirant tout simplement du jeu. Lui le fait en douceur. Moi je me bats pour les vertus. Lui les embrasse. Mais je libère ce qui les entrave. J’espère réussir à mon tour à les embrasser un jour. C’est notre boussole.
Je vous ai énuméré ses vertus préservées ci-dessus, les miennes sont moindres. Ce dont je suis le plus fière, c’est d’avoir su orienter ma vie pour faire un travail intérieur. Ma plus grande fierté à ce jour est d’avoir baroudé dans mon esprit pour apaiser la colère, l’orgueil, le besoin de mieux, l’insatisfaction, le besoin de contrôler… Je ne suis pas fière du travail accompli, je suis fière de le faire chaque jour, à chaque instant, avec plus de facilité à certains moments que d’autres.
Je demande pardon aux personnes que je côtoie si ce travail intérieur me coupe d’elles parfois. Ce n’est pas ma volonté. Je cherche simplement à être plus juste avec vous, à vous aimer mieux que je ne le fais actuellement, à trouver en moi la compassion pour ne pas vous juger mais vous comprendre et vous accueillir comme vous êtes. Et pour faire ça, je dois me réinventer. Je le fais. Je le fais depuis 17 ans maintenant. Et je continuerai toute ma vie.
C’est ça pour moi le sens de la vie et sur un plan humain de la sagesse bouddhiste : oser être vertueux et persévérer en ce sens. Je ne veux rien réussir d’autre qu’à aimer sincèrement, compatir totalement, accueillir infiniment.
Puissè-je réussir en cette vie.
Avec mes meilleurs motivations, je vous souhaite une douce nuit, remplie d’amour et de toutes les vertus cumulées, les vôtres et les nôtres.
Christelle Hauteville-Chadorla
Photo au monastère de Punaka, Bhoutan, où nous nous avançons sur le pont d’accès. 2013.